dimanche 13 mai 2018

Paramètres et caractéristiques de l'effet test

Que la pratique de récupération passe par des évaluations formatives, des questions en classe ou des auto-évaluations pratiquées en autonomie, elle agit directement sur l’amélioration des connaissances en mémoire à long terme. C’est l’effet test.

(Photographie : Zara Pfeifer)


La pratique de récupération améliore indirectement ou directement l’apprentissage et la rétention à long terme.

Mais comment se manifeste l’amélioration directe ?



Même en absence de rétroaction


Il y a une amélioration de la rétention de la matière à plus long terme même lorsqu’aucune rétroaction n’est donnée sur un test formatif. Cela se produit même s’il n’entraine pas un nouveau travail d’étude visant à l’approfondissement des connaissances.

Cela peut sembler contre-intuitif. C’est pour cela que cet effet test est méconnu et peu mobilisé par les enseignants et les élèves.

Le fait de récupérer des informations améliore leur durabilité et leur accessibilité en mémoire à long terme. Elle prolonge de fait la rétention des informations testées. Les effets sur la rétention ultérieure sont généralement assez importants et fiables.




Passer un test formatif est plus efficace qu’une révision


Si la rétention à long terme est évaluée après un délai, la condition de test répété montre une meilleure efficacité de rappel que la condition d’étude répétée.

C’est-à-dire que passer un test après étude est plus efficace qu’organiser un temps de révision en classe pour l’enseignant où celui-ci expliquer tandis que ses élèves consultent leur notes et réfléchissent à partir de ces sources. De fait passer un quiz est vérifier ses réponses ensuite est bien plus productif que de relire la matière durant le même laps de temps pour l’élève.

Cela peut sembler contradictoire compte tenu des hypothèses habituelles sur le rôle de la révision pour l’apprentissage.

La pratique de récupération conduit à une meilleure mémorisation et à des meilleurs performances ultérieures que de ne pas subir de test ou de s’engager dans une période de révision supplémentaire.



Avantages comparés des tests de rappel indicé et des questionnaires à choix multiples (QCM)


Nous pouvons distinguer basiquement et schématiquement deux façons de tester les élèves :
  • Nous pouvons leur demander de récupérer en mémoire des connaissances au départ d'une question qui va leur donner des indices. Dans ce cas les élèves vont répondre oralement ou par écrit en construisant une réponse. On parle alors de test de rappel indicé.
  • Nous pouvons poser une question et proposer différentes options de réponses aux élèves. Les élèves doivent reconnaitre la ou les réponse exactes et rejeter les réponses erronées. Dans ce cas les élèves vont se contenter d'indiquer quelle est la bonne réponse sans devoir exprimer une réponse construite. On parle alors de questionnaire à choix multiples.
De manière générale, les test de rappel indicé sont plus faciles et rapides à concevoir pour les enseignants. À l'opposé ils vont prendre plus de temps pour la correction.

De manière générale, les questionnaires à choix multiples sont plus complexes et leur conception va prende plus de temps pour les enseignants. À l'opposé ils vont prendre bien moins de temps pour la correction qui peut même être entièrement automatisée.

La plupart des éléments de preuve issus de la recherche indiquent que des tests impliquant la production d’informations (essai et tests de réponse courte) produisent plus de bénéfices sur les tests ultérieurs que les tests à choix multiples. Ces derniers se limitent à la reconnaissance d’une réponse correcte parmi les solutions proposées et non son rappel ce qui réduit son bénéfice pour l'apprentissage.

Générer ou produire des réponses au cours de l’étude crée généralement une plus grande rétention que la lecture du matériel, même si elle implique sa reconnaissance (Kang et ses collègues, 2007).

Les tests de rappel nécessitent un effort de récupération plus important ou une profondeur de traitement que les tests de reconnaissance.

Toutefois, les tests à choix multiples sont plus rapides à passer et demandent un temps réduit de correction à l’enseignant. Ils ne sont donc pas à éliminer d’emblée. Si l’utilisation de tests à choix multiples permet de tester plus souvent les élèves, leur intérêt est à pondérer à nouveau.

De plus, l’avantage à utiliser des réponses courtes semble somme toute modéré par rapport au test à choix multiples. Passer un test à choix multiples est nettement plus profitable que de ne pas passer de test du tout (Weinstein et ses collègues, 2019).

De même, il y a test à choix multiples et test à choix multiples :
  • Il est possible de construire des tests à choix multiples qui sont aussi efficaces que les tests à réponses courtes en ce qui concerne la pratique de récupération. 
  • Les tests à choix multiples fonctionnent mieux si les différentes alternatives sont plausibles et exigent que les élèves récupèrent les réponses plus qu’ils ne la reconnaissent. 
  • Des questions à choix multiples qui ne demandent à l’élève que de sélectionner la réponse la plus familière sont moins susceptibles d’être favorables à l’effet de test. 
  • Les différentes options doivent sembler plausibles et demander un traitement qui exige une récupération pour être déterminées comme correctes ou incorrectes (Weinstein et ses collègues, 2019).



Amélioration de la flexibilité des connaissances et du transfert


La pratique de récupération incite également les élèves à faire des inférences, à résoudre de nouveaux problèmes et à transférer leurs connaissances. La pratique de récupération rend les informations étudiées plus facilement accessibles et plus flexibles. Elles peuvent alors être utilisées avec souplesse pour résoudre de nouveaux problèmes.

Ce faisant, la pratique de récupération peut améliorer également le transfert des connaissances vers de nouveaux contextes.

Le transfert peut être défini comme l’application des connaissances acquises dans une situation à une nouvelle situation.

Les chercheurs classent souvent le transfert dans la catégorie proche ou lointain  :
  • Le transfert proche se produit si la nouvelle situation est semblable à la situation d’apprentissage.
  • Le transfert lointain se produit si la nouvelle situation est très différente de la situation d’apprentissage.

Le transfert est extrêmement important dans l’éducation. Le but de l’éducation est d’enseigner aux élèves des informations qu’ils pourront appliquer plus tard à l’école, ainsi que dans la vie après la fin de leur scolarité.

Le transfert lointain est très difficile à obtenir, voire hypothétique ou aléatoire. Il est cependant le type d’éducation le plus important à appliquer dans les situations que nous rencontrons plus tard dans la vie. La pratique de récupération peut donc améliorer le transfert de l’apprentissage.

Pour plus d’informations sur les notions de transfert proche et transfert lointain, nous renvoyons vers cet article. 




Interaction avec l’effet d’espacement


Une pratique de récupération réduit l’oubli de connaissances récemment étudiées, et si celle-ci est répétée, l’effet sera plus important encore dans le ralentissement de l’oubli.

Nous avons donc tout intérêt à coupler la pratique de récupération à l’effet d’espacement.



Protection contre l’interférence proactive


Pour plus d’informations sur l’interférence proactive, nous renvoyons vers cet article.

La pratique de récupération protège des effets de l’interférence proactive. Il y a interférence proactive lorsque des connaissances précédemment apprises influencent négativement la rétention de nouvelles connaissances.

Ainsi, l’interférence proactive entraine une plus faible rétention des connaissances apprises par la suite, causée par l’apprentissage antérieur.

Des séances d’étude successives peuvent donc provoquer une accumulation d’interférences proactives. Cependant, la recherche a montré que lorsque des tests sont insérés entre les épisodes d’étude, ils provoquent une libération de l’interférence proactive et permettent à un nouvel apprentissage d’être plus efficace.






Mis à jour le 27/01/22

Bibliographie


Agarwal, P et al “How to Use Retrieval Practice to Improve Learning” Washington University in St. Louis, 2013, www.retrievalpractice.org

Dunlosky, J et al. Improving Students’ Learning With Effective Learning Techniques: Promising Directions From Cognitive and Educational Psychology. Psychological Science in the Public Interest 14(1) 4–58 (2013)

Roediger, H. L., III, & Karpicke, J. D. (2006). The power of testing memory: Basic research and implications for educational practice. Perspectives on Psychological Science, 1, 181–210.

JD Karpicke, A powerful way to improve learning and memory, APA Psychological Science Agenda http://www.apa.org/science/about/psa/2016/06/learning-memory.aspx

Testing effect. (2017, July 31). In Wikipedia, The Free Encyclopedia. Retrieved, 12:47, August 25, 2017

The Critical Importance of Retrieval for Learning, Jeffrey D. Karpicke and Henry L. Roediger III Science 319, 966 (2008);

A. Murphy Paul “Researchers Find That Frequent Tests Can Boost Learning” (2015) Scientific American https://www.scientificamerican.com/article/researchers-find-that-frequent-tests-can-boost-learning/

Jeffrey D. Karpicke, Andrew C. Butler and Henry L. Roediger III (2009) Metacognitive strategies in student learning: Do students practise retrieval when they study on their own?, Memory, 17:4, 471–479,

Ten Benefits of Testing and Their Applications to Educational Practice, HL Roediger III, AL Putnam, MA Smith, Psychology of Learning and Motivation-Advances in Research and Theory 55, 1, 2011

The critical role of retrieval practice in long-term retention, Henry L. Roediger III and Andrew C. Butler, Trends in cognitive science vol 15; 2011

Kang, S. H., McDermott, K. B., Roediger, H., Test format and corrective feedback modulate the effect of testing on memory attention, European Journal of Cognitive Psychology, 19, 528–558, 207

Yana Weinstein, Megan Sumeracki, Understand how we learn, David Fulton, 2019.

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