mardi 15 mai 2018

Les liens entre l’efficacité et l’équité dans le cadre de l’enseignement

Nous voulons offrir les meilleurs services possibles (les effets) afin d’accomplir les objectifs des usagers (l’efficacité) en plein respect de la justice sociale (l’équité). L’idée générale derrière ces différents concepts est de tirer le meilleur parti possible des ressources qui sont utilisées dans un contexte scolaire (l’efficience). 

(Photographie : Ahndraya Parlato)


L’efficacité


L’efficacité est la capacité à parvenir à nos fins, à atteindre nos objectifs, à produire un résultat. 

Les objectifs peuvent être nombreux. Ils sont quantitatifs ou qualitatifs. 

L’efficacité peut se constater sous forme de contrôle binaire. Les objectifs sont atteints ou non. Elle peut également se mesurer à l’aide d’indicateurs statistiques dont nous pouvons suivre l’évolution au fil du temps. 

Nous pouvons distinguer deux dimensions : 
  • L’efficacité interne : 
    • Elle s’intéresse à l’acquisition des apprentissages et aux compétences développées par l’enseignement et propres à un cours donné par un enseignant. Nous nous interrogeons sur les progrès effectués par les élèves durant une période donnée. 
    • Elle correspond à un effet enseignant si nous comparons les résultats de différentes classes et leurs enseignants. Le niveau des élèves est évalué avant et après l’enseignement.
    • L’efficacité de l’enseignement relève d’une conformité avec le cahier des charges, le programme du cours. Elle est une mesure relativement aisée de l’efficacité.
    • Les processus (enseignement et apprentissage) et leurs relations sont à envisager :
      • Dans un contexte de ressources : contenus, matériel, pédagogie, durée, nombre d’élèves par classe…
      • De caractéristiques : de l’enseignant, des élèves, de l’établissement…
      • Dans leur dimension temporelle : durée de l’enseignement et volume hebdomadaire.
    • Les savoirs et le savoir-faire se prêtent bien à une évaluation.
    • Les compétences de haut niveau réclament la maîtrise et l’établissement d’une certaine expertise permettant les transferts. Il ne peut que difficilement avoir pour l’enseignant une obligation de résultat. Celles-ci prennent beaucoup de temps à se développer. Elles ne se révèlent pleinement que sur le long terme. Elles sont fonction de paramètres propres à l’élève, comme l’intérêt, les capacités ou l’auto-efficacité. D’une certaine manière, des critères de compétence s’approchent plus d’une notion d’efficacité externe. 
    • Cette évaluation interne peut se faire en cours ou à terme d’un enseignement. Elle peut se mesurer en taux d’obtention d’un diplôme ou en taux de redoublement également. 
  • L’efficacité externe 
    • C’est la pertinence des apprentissages dans la sphère sociale et économique. 
    • Nous nous interrogeons sur la manière dont les effets de l’enseignement vont influencer de manière bénéfique le futur de l’élève et par conséquent de la société à laquelle il va participer. Elle repose sur des notions de finalité et valeur. 
    • Cette évaluation externe demande un recul plus important et dès lors le lien avec un enseignement plus particulier est plus distendu et moins aisé à mettre en évidence. Il s’adresse à un projet éducatif plus global fondé sur des valeurs et des missions. 
    • Nous ne sommes plus dans un effet école ou dans un effet enseignant individuel, clairement mesurable et isolable. 

Par conséquent, lorsque nous parlons de l’efficacité, il s’agit essentiellement d’une efficacité interne. Elle porte sur l’acquisition de savoirs et de savoir-faire et leur articulation dans des compétences spécifiques au terme d’une période d’enseignement généralement d’une année.



L’équité ou l’efficacité en lien avec des idéologies pédagogiques


L’efficacité, sous sa forme qui nous est plus aisément accessible, s’évalue en fonction des résultats obtenus par les élèves au terme d’un enseignement. C’est au départ de ce point de vue là que les interprétations vont diverger. 

Comme l’explique Marie Bocquillon dans sa thèse (2020), il existe à ce titre trois idéologies pédagogiques qui distinguent trois différentes interprétations de l’efficacité : 
  1. L’égalité des chances
  2. L’égalité de traitement
  3. L’égalité des acquis
Dans les faits, en classe, les trois interprétations de l’efficacité sont présentes et respectées à des degrés divers en fonction de l’enseignant, du contexte, des objectifs et des moyens à disposition.



L’égalité des chances 


L’égalité des chances trouve son origine durant le 19e siècle qui marque le début de l’obligation scolaire.

Le principe de l’égalité des chances est d’offrir à chacun le droit d’acquérir une formation de son choix. La condition est d’en avoir les capacités, et cela indépendamment de ses caractéristiques propres (origine sociale, sexe, nationalité, etc.). 

Elle s’inscrit dans un modèle méritocratique. Peu importe l’origine sociale, un individu doit pouvoir accéder à la formation qu’il désire et qui correspond à ses capacités.

Cette logique revient à donner plus aux meilleurs élèves. Cela contribue au fil du temps à amplifier les écarts entre les élèves.



L’égalité des traitements

 
L’égalité de traitement apparait au 20e siècle pour répondre aux inégalités créées par l’existence de différentes filières et formes d’enseignement de différents niveaux. Actuellement, la France propose essentiellement le même enseignement aux élèves de 6 à 15 ans (sauf cas particulier pour SEGPA et ULIS, voir article de Wikipédia sur le collège). Ce n’est pas le cas de la FW-B qui ne propose pas d’égalité de traitement durant la première moitié du secondaire (collège). Toutefois, elle se dirige vers le même objectif dans le cadre du tronc commun proposé par le Pacte pour un enseignement d’excellence. 

Si le principe d’égalité de traitement paraît être une avancée face à celui de l’égalité des chances, il n’empêche pas pour autant les inégalités de réussite. 

Considérer les élèves comme égaux en droits, laisse également libre cours aux inégalités de départ. Tous les élèves ne bénéficient pas du même cadre éducatif et socio-économique à la maison.

L’égalité de traitement légitime les capacités inégales construites antérieurement dans le milieu familial.



L’égalité de réussite et l’efficacité pédagogique


L’égalité de réussite correspond à l’idéologie de l’égalité des acquis. Elle vise à organiser l’enseignement en fonction d’objectifs à atteindre par tous. Cela impose de proposer plus de ressources éducatives à ceux qui en ont le plus besoin pour compenser certaines inégalités de départ en matière d’apprentissage.

La pédagogie de la maîtrise correspond à l’idée d’une égalité de réussite. Elle se base sur le principe que le degré de maîtrise d’une compétence atteint par un élève est fonction de l’adéquation entre :
  • Les opportunités éducatives mises à sa disposition.
  • Le temps et la guidance dont il a besoin en fonction de ses caractéristiques cognitives et affectives.

Dans le cadre de l’égalité des acquis, nous cherchons à élever de manière significative la moyenne des performances de la classe et à en diminuer la variance. C’est à cette définition que correspond le concept d’enseignement efficace. 

L’efficacité pédagogique porte principalement sur la capacité à faire progresser les élèves faibles, plus sensibles à la qualité de l’enseignement que les élèves forts.

La notion d’efficacité en éducation se heurte au problème classique de modélisation de l’humain. Comment mesurer des données bien souvent impalpables ou pour le moins interdépendantes les unes des autres ? Quelle variable va être plus pertinente que telle autre pour mesurer l’efficacité de l’enseignement ?

Une fois la ou les variables principales déterminées, les analyses vont chercher à déterminer l’effet des pratiques et identifier celles qui permettent d’améliorer les résultats.

Un enseignement efficace se caractérise par trois effets conjoints selon Bloom (1979) :
  1. Une élévation de la moyenne de l’ensemble des résultats.
  2. Une réduction de la variance de l’ensemble des résultats.
  3. Une diminution de la corrélation entre l’origine sociale de chaque élève (et plus généralement ses caractéristiques initiales) et ses résultats.

Les pratiques d’enseignement efficace sont également des pratiques équitables. Elles réduisent les écarts entre les élèves faibles et les élèves forts et permettent à tous les élèves de progresser.

Les pratiques efficaces sont essentielles pour les élèves chez qui l’école se doit de faire une différence :
  • Les élèves moyens
  • Les élèves à risque
  • Les élèves en difficulté

Elles sont bénéfiques et essentielles pour une majorité d’élèves.



Effets et efficience en éducation


L’effet


L’effet est la conséquence, le résultat d’une action. L’effet est ce qui est produit par quelque chose, par une cause. Un effet s’apprécie, il s’estime, il s’évalue et il se juge. 

Les effets sont les conséquences voulues et non voulues d’un programme résultant de l’activation de mécanismes dans différents contextes.

Nous pouvons parler d’effet enseignant ou d’effet école par exemple suivant le niveau auquel nous l’étudions.



L’efficience


L’efficience est la capacité à atteindre nos objectifs au prix d’une consommation optimale des ressources. 

Elle réclame que soient arrêtés les indicateurs permettant de mesurer le degré d’efficience. L’efficience introduit une dimension économique et d’ordre social d’évaluation des performances. 

L’efficience peut être liée à des indicateurs tels que le taux de redoublement, le taux de diplomation, qui peut être mis en relation avec l’évolution et le niveau de la dépense totale en éducation. L’efficience peut s’évaluer également au travers d’enquêtes internationales comme PISA ou PIRLS.





Mis à jour le 04/02/22

Bibliographie


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Bocquillon, Marie & Derobertmasure, Antoine & Demeuse, Marc. (2017). Les recherches sur l’enseignement efficace en bref. 10.13140/RG.2.2.14904.24327.

Feyfant Annie (2011). « Effets des pratiques pédagogiques sur les apprentissages ». Dossier d’actualité veille et analyses, n° 65, octobre 2011, En ligne : http://www.inrp.fr/vst/DA/detailsDossier.php?dossier=65&lang=fr

Joël Clanet, « L’efficacité enseignante, quelle modélisation pour servir cette ambition ? », Questions Vives [En ligne], Vol.6 n° 18 | 2012, mis en ligne le 15 mai 2013, consulté le 10 mai 2018. URL : http://journals.openedition.org/questionsvives/1121 ; DOI : 10.4000/questionsvives.1121

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Laurent Talbot, « Les recherches sur les pratiques enseignantes efficaces », Questions Vives [en ligne], Vol.6 n° 18 | 2012, mis en ligne le 15 septembre 2013, consulté le 10 mai 2018. URL : http://journals.openedition.org/questionsvives/1148

Joël Clanet, « L’efficacité enseignante, quelle modélisation pour servir cette ambition ? », Questions Vives [en ligne], Vol.6 n° 18 | 2012, mis en ligne le 15 mai 2013, consulté le 10 mai 2018. URL : http://journals.openedition.org/questionsvives/1121 ; DOI : 10.4000/questionsvives.1121

Gauthier, C., Bissonnette, S., & Richard, M. (2013). Enseignement explicite et réussite des élèves. La gestion des apprentissages. Bruxelles : De Boeck.

Steve Bissonnette : Quelles pratiques d’enseignement efficace et quel accompagnement des enseignants favorisent leur mise en œuvre ?  24 Mai 2018, Mons

Marie Bocquillon. Quel dispositif pour la formation initiale des enseignants ? Pour une observation outillée des gestes professionnels en référence au modèle de l’enseignement explicite. Education. Université de Mons, 2020. Français. tel-02929814

Bloom, B.S. (1979). Caractéristiques individuelles et apprentissages scolaires. Bruxelles : Editions Labor.

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