lundi 21 mai 2018

Plasticité structurelle et développement du cerveau chez l'enfant et l'adolescent

Sous l’influence du patrimoine génétique et de l’environnement (biologique, chimique, physique, social), la plasticité structurelle transforme le cerveau lors de l’enfance et l’adolescence et assure sa maturation.

(Photographie : Axel Hütte)



Avant la naissance


À la fin de la grossesse, les neurones migrent vers leur emplacement définitif selon un processus de maturation, contrôlé par les gènes et l’environnement du fœtus.
                       
Des neurones se déplacent vers ce qui va devenir le cortex cérébral. Le cortex cérébral est la substance grise périphérique des hémisphères cérébraux. Ces neurones créent des contacts synaptiques : proches et lointains. Les connexions lointaines sont assurées par l’axone d’un autre neurone qui se développe et s’allonge jusqu’à prendre contact avec d’autres neurones. Ces neurones peuvent se trouver du côté opposé du cortex ou dans les noyaux profonds de la substance grise. 

L’ensemble des axones projetés vers toutes les régions du système nerveux forme dans le cerveau ce qui se présente comme une substance blanche (à cause de la myéline qui les entoure).

Dès la naissance, le cerveau de l’enfant est déjà structuré :
  1. Tous les grands faisceaux de connexions semblent en place, et de nombreux réseaux spécialisés sont déjà en activité.
  2. Le système nerveux permet d’apprendre à comprendre l’environnement, c’est-à-dire à l’internaliser sous forme de représentations mentales qui reproduisent, par isomorphisme psychophysique, certaines de ses lois. 
  3. L’enfant vient au monde équipé de compétences précoces, qui sont des précurseurs des apprentissages scolaires, comme des noyaux de connaissances liées à la perception, au langage, aux nombres ou à la géométrie. L’enfant possèdera à la naissance déjà tout un répertoire de compétences précoces sensorielles, numériques, langagières, spatiales, géométriques, émotionnelles, motrices, etc. Ces représentations internes permettent à notre cerveau d’anticiper et de prédire les phénomènes externes, et non pas simplement d’y réagir passivement. 
  4. Le cerveau contient dès la naissance des algorithmes universels d’apprentissage, qui sont des processus inconscients, automatiques et efficaces de résolution de problèmes. Le cerveau contient ainsi dès la naissance un algorithme d’apprentissage statistique qui lui permet de faire des inférences, de pondérer des hypothèses hiérarchisées pour certaines abstraites. L’enfant est capable d’interroger le monde extérieur pour sélectionner parmi toutes les hypothèses qu’il se fait celles qui sont les plus plausibles au vu des expériences dont il est le sujet.
  5. L’enfant est directement sensible à des facteurs tels que l’attention, l’engagement actif, la récompense, l’erreur, la curiosité, l’automatisation et le sommeil qui influencent ses apprentissages. 




Après la naissance


Il y a une tension qui va s’installer dès la naissance entre les compétences innées du cerveau et la plasticité qui va lui permettre de s’adapter à son environnement. Les deux sont responsables du développement des capacités de l’enfant et interagissent dans leur réalisation.

De manière générale, dans le développement normal, le cortex se spécialise précocement sans forcément nécessiter d’interactions avec le monde extérieur. Il est déterminé par une cascade d’expressions génétiques qui va conduire au câblage successif des différentes régions du cortex. 

Ce n’est que dans un second temps que des interactions avec l’environnement extérieur entrent en jeu. Par exemple, peu après la naissance, le cortex visuel de l’enfant subit une réorganisation sous l’effet de l’information transmise par le nerf optique en réaction aux stimuli visuels. Des expériences ont montré que ce remodelage est une étape nécessaire dans le développement normal de la vision. Les compétences précoces du nouveau-né ne sont pas rigides, leur expression et consolidation dépendront des apprentissages ultérieurs, notamment des stimuli fournis par l’environnement, les parents, etc. 

La taille du cerveau va augmenter de façon significative au cours des deux premières années de vie. Cette croissance se poursuit plus lentement au cours de l’enfance jusqu’au milieu de l’adolescence : le crâne gagne 14 cm de circonférence entre la naissance et 2 ans, 7 cm entre 2 et 16 ans. 

Qu’est-ce qui explique cette augmentation de volume ?
  1. L’épaississement des axones, grâce au processus de myélinisation qui va les rendre plus efficaces. 
  2. La croissance des dendrites qui poussent les neurones à s’éloigner les uns des autres et créent des synapses en s’associant à des extrémités d’axones d’autres neurones.

La durée du développement du cerveau après la naissance est particulièrement longue. Cette période d’immaturité et de dépendance vis-à-vis des adultes, liée à un processus de néoténie propre à l’espèce humaine, de développement ralenti qui permet et favorise l’apprentissage.

À la naissance, tous les neurones avec leurs axones et leurs dendrites sont pratiquement en place dans le cerveau. Mais le processus de formation des connexions (synapses) entre neurones (la synaptogenèse) est lent. Il a lieu pendant l’enfance et l’adolescence. La connectivité́ cérébrale n’arrive à maturité́ qu’autour de l’âge de 20 ans.

L’association de ces groupes de neurones corticaux répartis dans différentes aires cérébrales dans le cadre de la constitution de souvenirs et de leur rappel est rendue possible par certains réseaux de neurones précâblés pour accomplir cette tâche. Parmi ceux-ci, les circuits de l’hippocampe, impliqués dans la l’établissement de la mémoire explicite à long terme, sont certainement les mieux connus de tous.



L’importance de l’élagage synaptique


La formation des synapses après la naissance est très influencée par les expériences que vit le bébé, l’enfant, l’adolescent et par son environnement. Elle constitue un mécanisme fondamental de l’apprentissage par modification structurelle du cerveau. Au début de la vie, les connexions se forment spontanément en grande abondance. Un tri va devoir se faire pour rendre le cerveau plus efficace.

L’élagage, qui le constitue se manifeste de deux manières :
  1. Seules les synapses les plus utilisées persistent. Les synapses qui sont peu ou pas utilisées vont être éliminées. L’élagage des synapses chez l’humain débute dès la naissance du nouveau-né, mais il est surtout observé ultérieurement avec la puberté. L’élagage synaptique permet une meilleure utilisation du réseau synaptique et donc une meilleure efficacité du cerveau. 
  2. Le nombre total de neurones commence à diminuer par un processus de mort cellulaire programmée (apoptose). Cela a lieu malgré le processus de neurogenèse (création de nouveaux neurones) qui se poursuit, mais de manière fortement ralentie dans de rares zones du cerveau.

L’expression d’élagage vient d’une analogie avec le développement d’arbres ou de buissons en arboriculture. Nous pouvons comparer les connexions synaptiques à des branches d’arbres qui grandissent et se consolident ; l’élagage consiste à couper et réduire ces ramifications trop nombreuses et inutiles.

Pendant l’enfance, les synapses se multiplient, tandis qu’après l’adolescence, le volume des connexions synaptiques diminue en raison de l’élagage synaptique. À partir de l’adolescence, le volume de substance grise subit une phase de décroissance. Cette phase de diminution se poursuit à l’âge adulte.

Dans un premier temps, pendant l’enfance, l’élagage synaptique prend place essentiellement sur les zones motrices et sensorielles, aires dites primaires. Ultérieurement, l’élagage affecte des zones impliquant les traitements de l’information plus complexe, telles que le cortex préfrontal.

Ce mécanisme de régulation est considéré comme étant étroitement lié à l’apprentissage. L’élagage synaptique accompagne le développement neurocognitif de l’enfant. 

Au cours de l’adolescence, les régions les plus frontales du cerveau humain — en charge de la prise de décision, du raisonnement critique, de l’attention, du contrôle sur les stimuli et les émotions — vivent l’équivalent d’une tempête synaptique. Leur phase de myélinisation se termine autour de la moitié de la deuxième décade de vie. Ce sont les dernières régions à être myélinisées.





Mis à jour le 24/02/2022

Bibliographie


Dortier, Jean-François, La plasticité, une adaptation permanente, Sciences Humaines, hors-série n° 4, décembre 2011 : https://www.scienceshumaines.com/la-plasticite-une-adaptation-permanente_fr_27967.html

Pasquinelli, Elena, Le cerveau se modifie : maturation, développement, plasticité et apprentissage, 2016, https://www.fondation-lamap.org/fr/page/34321/le-cerveau-se-modifie-maturation-developpement-plasticite-et-apprentissage

Campbell, Neil & Reece, Jane, Biologie 9e édition, Pearson, 2012

La plasticité des réseaux de neurones, http://lecerveau.mcgill.ca

Gerrig, Richard & Zimbardo, Philip, Psychologie, 18e édition, Pearson, 2013

Stanislas Dehaene « Éducation, plasticité cérébrale et recyclage neuronal » Collège de France, 06 janvier 2015 09:30 11:00 https://www.college-de-france.fr/site/stanislas-dehaene/course-2015-01-06-09h30.htm

Stanislas Dehaene « Vers une science de la vie mentale » Leçon inaugurale prononcée le jeudi 27 avril 2006, https://books.openedition.org/cdf/2854?lang=en

Élagage synaptique. (2018, mai 11). Wikipédia, l’encyclopédie libre. Page consultée le 21:46, mai 11, 2018 à partir de http://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=%C3%89lagage_synaptique&oldid=148359259

0 comments:

Enregistrer un commentaire