vendredi 18 mai 2018

Six principes pour expliquer les bénéfices de la pratique de récupération

La pratique de récupération peut être interprétée comme un ralentissement de l’oubli et une amélioration de la mémorisation. Celle-ci peut être déclinée selon les six principes suivants qui évoquent autant de mécanismes potentiels pour expliquer l’effet de test.

Ces principes ne sont pas nécessairement concurrents, mais plutôt potentiellement concourants. 


(photographie : Mert Acar)



1. Principe d’économie et d’efficacité


Nous nous souvenons longtemps de ce dont nous avons besoin régulièrement.

Notre mémoire est nécessairement sélective, l’utilité d’un fait ou d’une idée, déterminée par la fréquence à laquelle nous avons besoin de les rappeler, constitue une base solide pour la sélection et la consolidation de ceux-ci.

Le fait de récupérer une information en mémoire la renforce. Nous nous assurons par ce biais que nous pourrons la récupérer encore au cas où nous en aurions besoin à nouveau.



2. Principe de renforcement des indices de récupération


L’entrainement à la récupération améliore l’apprentissage dans la mesure où il enrichit les indices de récupération lorsque celle-ci est entrainée dans des contextes différents.

La tentative de récupérer des informations basée sur des indices implique une recherche de mémoire à long terme. Celle-ci active des informations connexes. Ces informations activées peuvent alors être encodées avec le contexte de la récupération. 

En récupérant régulièrement nous formons une trace élaborée qui offre de multiples voies pour faciliter l’accès ultérieur à l’information.



3. Principe d’espacement


L’augmentation de l’espacement temporel entre deux occasions de pratique de récupération peut augmenter l’intensité de l’effort nécessaire. Cela favorise une meilleure rétention, pour autant que le matériel soit toujours accessible en mémoire à long terme.

Cet effet suggère que l’espacement des occasions de pratique de récupération est un paramètre important. Il favorise un apprentissage en profondeur par rapport à un apprentissage concentré sur une seule période, qui produit une rétention à long terme médiocre.



4. Principe de reconsolidation et d’organisation des connaissances

Conformément à la taxonomie originale de Bloom, nous devons nous concentrer sur les connaissances factuelles de base et les renforcer avant de pouvoir favoriser l’apprentissage de connaissances d’ordre supérieur par nos élèves.

Lorsque les élèves pratiquent les connaissances factuelles jusqu’à ce qu’elles soient mémorisées, ils peuvent plus facilement les appliquer dans le cadre d’un apprentissage d’ordre supérieur.
  • La pratique de la récupération des faits et des procédures peut rendre le rappel automatique, ce qui nécessite moins d’efforts et de capacités de la part de la mémoire de travail.
  • Par la suite, ce processus peut permettre aux étudiants d’utiliser une capacité supplémentaire de la mémoire de travail dans des situations d’apprentissage plus complexes.
  • Conformément à ces arguments, la théorie de la charge cognitive postule que si les exigences cognitives sont réduites ou diminuées, l’apprentissage ultérieur peut augmenter.

La récupération d’une information mémorisée la place dans un état susceptible d’être modifié qui peut se traduire par une amélioration de la qualité de la mémorisation.

L’apprentissage de connaissances connexes facilite une connaissance approfondie. Le simple fait d’apprendre des faits isolés sans les relier à une compréhension plus approfondie d’un sujet peut ne pas profiter à l’apprentissage de haut niveau des élèves.

Les élèves peuvent approfondir le degré de traitement des concepts et de leurs relations, ce qui peut améliorer le transfert ultérieur et le caractère flexible des informations mémorisées.



5. Principe du traitement approprié


Comme le but est que l’information soit mémorisée, sa récupération la sollicite dans des conditions qui correspondent aux intentions de l’apprentissage et aux conditions du test à venir.

Les processus cognitifs au cours de l’apprentissage correspondent à ceux qui sont requis lors de la récupération. Les processus mis en œuvre lors d’un test formatif permettent une meilleure adéquation avec le test final que les processus d’étude de la matière considérée.

En s’engageant dans la pratique de récupération, les étudiants font correspondre leur traitement initial au type de traitement requis lors du test.



6. Principe des difficultés désirables


De nombreuses conditions et stratégies d’étude qui produisent un apprentissage rapide et des avantages à court terme conduisent à de mauvais résultats à long terme. Des conditions où l’information est facilement accessible (p. ex en étant stockée de façon permanente dans la mémoire de travail) n’apportent que peu ou pas d’avantages pour la rétention à long terme.

Les conditions qui rendent l’apprentissage plus lent ou plus laborieux augmentent souvent la rétention à long terme selon le principe du no pain, no gain. Plus l’effort nécessaire pour récupérer la mémoire est important, plus le retraitement est étendu.

L’effort de récupération peut être considéré comme un indicateur favorable de la quantité et de la qualité du retraitement de la trace de mémoire qui se produit pendant la récupération.

Toutefois si la difficulté devient trop élevée, la charge cognitive peut devenir elle-même trop importante ou l’effort de récupération n’aboutit pas. Dans ces conditions, tout bénéfice risque d’être perdu. L’élève connait la réponse, mais n’a pas les ressources mentales pour effectuer le traitement qui lui permettra d’accéder à la réponse élaborée. Il y a donc nécessité de trouver un bon équilibre entre une pratique de récupération trop facile ou trop difficile. Nous devons à la fois pouvoir récupérer l’information visée et l’utiliser dans le cadre d’un traitement approprié.



Mise à jour le 12/02/22


Bibliographie


Agarwal, P., et al. “How to Use Retrieval Practice to Improve Learning” Washington University in St. Louis, 2013, www.retrievalpractice.org

Dunlosky, J., et al. Improving Students’ Learning With Effective Learning Techniques: Promising Directions From Cognitive and Educational Psychology. Psychological Science in the Public Interest 14(1) 4–58 (2013)

Roediger, H. L., III, & Karpicke, J. D. (2006). The power of testing memory: Basic research and implications for educational practice. Perspectives on Psychological Science, 1, 181–210.

JD Karpicke, A powerful way to improve learning and memory, APA Psychological Science Agenda http://www.apa.org/science/about/psa/2016/06/learning-memory.aspx

Testing effect. (2017, July 31). In Wikipedia, The Free Encyclopedia. Retrieved, 12:47, August 25, 2017.

The Critical Importance of Retrieval for Learning, Jeffrey D. Karpicke and Henry L. Roediger III Science 319, 966 (2008);

A. Murphy Paul “Researchers Find That Frequent Tests Can Boost Learning” (2015) Scientific American https://www.scientificamerican.com/article/researchers-find-that-frequent-tests-can-boost-learning/

Jeffrey D. Karpicke, Andrew C. Butler and Henry L. Roediger III (2009) Metacognitive strategies in student learning: Do students practise retrieval when they study on their own?, Memory, 17:4, 471–479,

Ten Benefits of Testing and Their Applications to Educational Practice, HL Roediger III, AL Putnam, MA Smith, Psychology of Learning and Motivation-Advances in Research and Theory 55, 1, 2011

The critical role of retrieval practice in long-term retention, Henry L. Roediger III and Andrew C. Butler, Trends in cognitive science vol 15; 2011

Kang, S. H., McDermott, K. B., Roediger, H., Test format and corrective feedback modulate the effect of testing on memory attention, European Journal of Cognitive Psychology, 19, 528–558, 207

Yana Weinstein, Megan Sumeracki, Understand how we learn, David Fulton, 2019.

Agarwal, P. K. (2019). Retrieval practice & Bloom’s taxonomy: Do students need fact knowledge before higher order learning? Journal of Educational Psychology, 111 (2), 189–209.

0 comments:

Enregistrer un commentaire